Les points clés
L’empreinte carbone mesure l’impact climatique total d’une entreprise ou d’un produit en équivalent CO², intégrant les émissions directes et indirectes. Son calcul repose sur des méthodologies fiables comme le Bilan Carbone ®, le GHG Protocol ou la norme ISO 14064, avec des facteurs d’émissions issus de la Base Empreinte®, de l’ADEME.
La réduction suit une hiérarchie claire : éviter, réduire puis compenser, en ciblant l’efficacité énergétique, la mobilité et l’écoconception. Les obligations réglementaires évoluent avec la CSRD et la CBAM, faisant de l’empreinte carbone un levier stratégique pour la transition et la compétitivité.
L’empreinte carbone correspond à l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre (GES) générées, directement ou indirectement, par une activité, une organisation ou un produit tout au long de son cycle de vie. Elle est exprimée en équivalent CO₂ (CO₂e), une unité qui permet de regrouper tous les GES en un indicateur commun.
En France, l’empreinte carbone moyenne par habitant s’élevait à 9,4 tonnes de CO₂e en 2023 (contre environ 9,2 tonnes en 2022), selon les dernières données du ministère de la Transition écologique. Ce chiffre inclut non seulement les émissions produites sur le territoire national, mais aussi celles liées à nos importations (alimentation, vêtements, biens électroniques, etc.).
Face à l’urgence climatique, la France s’est engagée à réduire de 50 % ses émissions brutes d’ici 2030, par rapport au niveau de 1990. Pour atteindre cet objectif, les entreprises jouent un rôle clé. La directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), dont l’application est progressive et a été ajustée, obligera plusieurs milliers d’entre elles à mesurer, publier et réduire leur empreinte carbone, y compris sur l’ensemble de leur chaîne de valeur (scope 3).
Maîtriser son empreinte carbone ne relève donc plus d’un engagement volontaire, mais bien d’un impératif stratégique et réglementaire. C’est aussi un excellent levier pour identifier ses principaux postes d’émissions, optimiser ses process, et renforcer sa résilience face aux enjeux climatiques.
Qu’est-ce que l’empreinte carbone et pourquoi la mesurer ?
L’empreinte carbone est un indicateur qui permet d’estimer l’impact d’une activité humaine sur le climat, en mesurant la quantité totale de gaz à effet de serre (GES) émise – exprimée en équivalent CO₂ (CO₂e) – sur une période donnée. Selon l’ADEME, elle prend en compte l’ensemble des émissions liées à un produit ou une activité, qu’elles soient directes ou indirectes, locales ou importées.
À l’échelle d’une organisation, cette empreinte est généralement évaluée à travers trois grands périmètres, appelés « scopes » :
- Scope 1 : les émissions directes (par exemple, combustion de carburants sur site, flotte de véhicules).
- Scope 2 : les émissions indirectes liées à l’énergie achetée (électricité, chaleur, vapeur).
- Scope 3 : toutes les autres émissions indirectes liées à la chaîne de valeur (achats, transport, usage des produits, fin de vie, déplacements professionnels, etc.).
Le scope 3 représente souvent la part la plus importante des émissions (dépassant 50 %), et peut excéder 70 à 80 % dans certains secteurs comme le numérique, le textile ou l’agroalimentaire.
Bilan carbone vs empreinte carbone : quelle différence ?
La distinction entre bilan GES (ou « bilan carbone ») et empreinte carbone est essentielle.
- Le bilan GES réglementaire (BEGES) correspond aux émissions générées par une entité sur son périmètre organisationnel (site, activité…), en général limité au scope 1 et 2, voire une partie du scope 3.
- L’empreinte carbone, elle, adopte une approche beaucoup plus globale, incluant les émissions importées, c’est-à-dire générées à l’étranger pour produire les biens et services que nous consommons en France.
Par exemple, en 2023 :
- La France a émis environ 404 millions de tonnes de CO₂e sur son territoire (émissions des unités résidentes) ;
- Mais son empreinte carbone nationale s’élevait à 644 millions de tonnes, en tenant compte des importations (SDES, 2024).
Et pour les entreprises, concrètement?
Du point de vue d’une entreprise, l’empreinte carbone correspond à l’ensemble des émissions associées à son activité : de l’extraction des matières premières à la fin de vie des produits, en passant par la production, la distribution, l’usage… Une approche dite « du berceau à la tombe », qui permet de repérer les postes les plus émissifs, les leviers de réduction et les risques futurs.
Depuis le 1er janvier 2023, le décret n°2022-982 impose aux entités soumises au BEGES (notamment les entreprises de plus de 500 salariés en métropole) d’intégrer les émissions indirectes significatives (scope 3) dans leur bilan. Le non-respect de cette obligation expose à des sanctions prévues par le Code de l’environnement.
Comment calculer l’empreinte carbone d’une entreprise ?
Le calcul de l’empreinte carbone repose sur une formule de base utilisée dans tous les bilans carbone :
Émissions de GES = Donnée d’activité × Facteur d’émission
Cette équation, bien que simple en apparence, nécessite une collecte rigoureuse de données (quantités consommées, distances parcourues, montants d’achats, etc.) et surtout le choix de facteurs d’émission fiables et représentatifs.
En France, la Base Carbone® de l’ADEME constitue la référence nationale pour ces facteurs d’émission. Elle regroupe des milliers de facteurs validés scientifiquement, couvrant tous les grands postes d’émissions : énergie, transport, numérique, alimentation, construction, services, etc.
Cette base est régulièrement mise à jour et utilisée dans les bilans GES réglementaires, les bilans carbone volontaires, ainsi que dans les plateformes de calcul automatisé proposées par des prestataires.
Le niveau de précision du calcul dépend de :
- la qualité des données collectées (réelles vs estimées) ;
- la granularité des facteurs d’émission choisis ;
- la pertinence du périmètre analysé (organisationnel et opérationnel) ;
- le choix de la base de données et de la méthodologie appliquée.
Les unités de mesure de l’empreinte carbone expliquées
Les unités de mesure de l’empreinte carbone
Pour mesurer l’empreinte carbone, on utilise l’équivalent CO₂ (CO₂e). Cette unité permet de regrouper tous les gaz à effet de serre en un seul chiffre, en tenant compte de leur impact sur le climat, appelé potentiel de réchauffement global (PRG). Selon les dernières valeurs du GIEC (AR6) :
- Le **dioxyde de carbone (CO₂) **est la référence avec un PRG de 1.
- Le méthane (CH₄) a un PRG d’environ 27 à 30 (selon son origine fossile ou non), c’est-à-dire qu’il réchauffe l’atmosphère bien plus que le CO₂ sur 100 ans.
- Le protoxyde d’azote (N₂O) a un PRG de 273.
La formule pour convertir un gaz en CO₂e est simple :
Émissions CO₂e = Quantité de gaz × PRG du gaz
Différents ordres de grandeur
Selon la taille ou le périmètre étudié, les émissions s’expriment différemment :
- Une entreprise parle en tonnes de CO₂e (tCO₂e) pour son bilan annuel.
- Les pays ou secteurs utilisent des mégatonnes (MtCO₂e).
- Les données mondiales se mesurent en gigatonnes (GtCO₂e) (Global Carbon Project, 2024).
Pour se représenter ce que signifie 1 tonne de CO₂e :
- C’est environ un aller-retour Paris-New York en avion par passager, ou
- environ 5 300 km parcourus en voiture thermique (sur la base d’une émission moyenne de 190gCO₂/km).
L’intensité carbone : mesurer l’efficacité
Au-delà du total des émissions, certaines entreprises calculent leur intensité carbone. Cela signifie mesurer les émissions par rapport à l’activité :
- tCO₂e par million d’euros de chiffre d’affaires
- tCO₂e par employé
- tCO₂e par produit fabriqué
Ces indicateurs permettent de suivre la performance carbone même si l’entreprise croît. Des études publiques et privées publient des intensités carbone sectorielles ; l’intensité moyenne varie fortement selon le secteur (énergie, industrie lourde vs services).
L’empreinte carbone des entreprises françaises en chiffres
En 2023, l’empreinte carbone de la France s’élevait à 644 millions de tonnes de CO₂ équivalent (CO₂e), soit une baisse de 4,1 % par rapport à 2022.
Cette amélioration globale cache de fortes disparités sectorielles (émissions territoriales) :
- Transport : 31 % des émissions nationales (131 MtCO₂e), dont près de 94 % proviennent du transport routier.
- Industrie : 71 MtCO₂e, principalement dans les secteurs énergo-intensifs comme la sidérurgie, la chimie et le ciment.
- Agriculture : 74 MtCO₂e, soit 20 % du total national, avec de fortes variations selon les pratiques culturales et les types d’élevage.
- Numérique : son empreinte est estimée dans une fourchette de 17 à 30 MtCO₂e selon les études et périmètres. Certaines projections indiquent un risque de forte croissance d’ici 2040 sans actions correctives.
- Textile : représente 2 à 8 % des émissions mondiales, selon des organismes comme l’ONU ou la Commission Européenne, avec une production qui a doublé entre 2000 et 2014.
Les nouvelles obligations réglementaires pour les entreprises
La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) étend progressivement les obligations de reporting. Son calendrier d’application a été ajusté : les grandes entreprises déjà soumises à la NFRD publient en 2025 (sur les données 2024). Pour d’autres grandes entreprises, la première publication est reportée à 2028 (sur les données 2027), et pour les PME cotées, à 2029.
La Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC-3), en consultation jusqu’en décembre 2024, renforce l’objectif de réduction à -50% d’ici 2030 par rapport à 1990. Cette trajectoire impose une décarbonation annuelle de 4,7% entre 2022 et 2030, contre 2% historiquement. Les entreprises doivent aligner leurs stratégies sur ces objectifs nationaux.
Le Clean Industrial Deal européen, lancé le 26 février 2025, mobilise 100 milliards d’euros pour la décarbonation industrielle. Ce plan cible prioritairement les industries énergo-intensives avec des subventions conditionnées à des objectifs de réduction d’émissions.
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) entre dans sa phase opérationnelle en janvier 2026, imposant l’achat de certificats carbone pour les importations de ciment, acier, aluminium, engrais et électricité, au prix du marché européen du carbone, qui fluctue (autour de 65-80€ la tonne en 2025).
Outils et méthodologies pour calculer son empreinte carbone
Comprendre et mesurer son empreinte carbone est la première étape pour réduire son impact sur le climat. Aujourd’hui, des outils fiables et accessibles permettent à toutes les entreprises, des PME aux grands groupes, de réaliser un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES).
Les premières étapes : outils gratuits et simples
Pour débuter, l’ADEME propose des ressources accessibles et faciles à utiliser :
- La Base Empreinte : une base de données officielle regroupant des milliers de facteurs d’émission. Elle permet de convertir vos données d’activité (énergie, transport, achats…) en CO₂ équivalent.
- Le calculateur Nos Gestes Climat : un simulateur en ligne pour estimer l’empreinte carbone d’un individu. Il peut être utilisé à titre pédagogique pour sensibiliser les collaborateurs, mais il n’est pas adapté au calcul d’un BEGES d’entreprise.
Ces outils permettent de lancer votre démarche sans investissement, tout en obtenant des résultats fiables pour un premier diagnostic.
Une méthode structurée pour un bilan précis
L’Association pour la Transition Bas Carbone (ABC) recommande une approche en 7 étapes :
- Nommer un pilote pour coordonner le projet
- Définir les périmètres à mesurer (scopes 1, 2 et 3)
- Collecter les données d’activité
- Élaborer un plan d’action pour réduire les émissions
- Synthétiser les résultats et les communiquer
- Sensibiliser les équipes
- Mobiliser toute l’organisation pour agir
Selon votre maturité, il est possible de distinguer trois niveaux :
- Initial : pour un premier bilan
- Standard : pour un suivi régulier
- Avancé : pour un pilotage stratégique de la décarbonation
Cette démarche permet de prioriser les actions les plus efficaces et de suivre vos progrès dans le temps.
Les facteurs d’émission : la base du calcul
Les facteurs d’émission permettent de traduire vos données (énergie, achats, transport…) en équivalent CO₂. La Base Empreinte® fournit deux types de facteurs :
- Physiques : basés sur des unités mesurables (ex. kgCO₂e/kWh, kgCO₂e/litre, kgCO₂e/tonne.km)
- Monétaires : basés sur des montants financiers (ex. kgCO₂e/€ dépensé), à utiliser en l’absence de données précises
Exemples concrets :
- Transport de marchandises par poids lourd : ≈ 0,122 kgCO₂e/tonne.km (source : Base Carbone ADEME, 2023)
Électricité réseau France (moyenne 2022) : ≈ 0,057 kgCO₂e/kWh
Ce facteur évolue chaque année en fonction du mix électrique (nucléaire, renouvelables, fossiles).
Ces valeurs montrent l’importance de choisir des facteurs adaptés à l’activité, au contexte géographique et à l’année de référence.
Stratégies efficaces pour réduire l’empreinte carbone de votre entreprise
Réduire l’empreinte carbone de votre entreprise est essentiel pour contribuer à la lutte contre le changement climatique et répondre aux attentes croissantes des consommateurs et des régulateurs. Voici les leviers les plus efficaces, classés par ordre de priorité :
- Éviter les émissions dès la conception
L’objectif est de ne pas générer d’émissions dès le départ. Cela implique :
- Éco-conception des produits et services
- Optimisation des processus pour minimiser les déchets
- Choix de matières premières à faible impact carbone
- Réduire les émissions existantes
Une fois les émissions inévitables identifiées, il est crucial de les réduire :
- Efficacité énergétique des bâtiments : des actions simples comme le pilotage intelligent du chauffage peuvent générer des économies d’énergie de 15 à 30 %.
- Transition énergétique : opter pour des énergies renouvelables, par exemple via des contrats d’achat d’électricité verte (PPA), permet de décarboner rapidement le scope 2.
- Mobilité durable : l’électrification de la flotte, le télétravail structuré et les plans de mobilité employeur peuvent réduire de moitié les émissions liées au transport, qui représentent environ 25 % de l’empreinte carbone d’une entreprise tertiaire.
- Compenser les émissions résiduelles
Lorsque certaines émissions ne peuvent être évitées ou réduites, la compensation devient une option :
- Investir dans des projets de reforestation, de captage du carbone ou d’énergies renouvelables.
La compensation des émissions résiduelles doit rester une mesure complémentaire. Il est prioritaire de mettre en œuvre toutes les actions de réduction possibles avant de compenser. (ADEME – Guide de la compensation carbone, 2023)
Focus sectoriels : textile et économie circulaire
- Textile : la production de polyester est particulièrement émettrice de CO₂. Par exemple, la fabrication d’un kilogramme de polyester peut générer jusqu’à 14,2 kg de CO₂e. Opter pour du polyester recyclé ou d’autres matériaux à faible impact peut réduire significativement l’empreinte carbone.
- Économie circulaire : réemployer, réparer et recycler les produits permet de réduire les émissions liées à la production de nouveaux biens. L’objectif européen de 24 % de matériaux circulaires d’ici 2030 nécessite une transformation des processus de production.
Pour réduire efficacement l’empreinte carbone de votre entreprise :
- Évitez les émissions dès la conception
- Réduisez les émissions existantes par des actions ciblées
Compensez les émissions résiduelles de manière responsable
Chaque action compte et contribue à un avenir plus durable.
Conclusion
L’empreinte carbone est devenue un indicateur stratégique pour toutes les entreprises souhaitant piloter leur impact environnemental et renforcer leur compétitivité. Mesurer ses émissions permet d’identifier les principales sources de gaz à effet de serre et de prioriser les actions pour réduire efficacement son impact. La hiérarchie reste simple : éviter, réduire, puis compenser les émissions résiduelles, en suivant des méthodologies fiables comme celles proposées par l’ADEME et l’ABC.
En intégrant ces pratiques, les entreprises peuvent non seulement contribuer à la lutte contre le changement climatique, mais aussi optimiser leurs coûts, améliorer leur image auprès des clients et partenaires, et anticiper les obligations réglementaires comme la CSRD. L’empreinte carbone n’est plus seulement un indicateur environnemental : c’est un levier pour un développement durable et responsable.
Calculez l’empreinte de votre entreprise
Sources utilisées
ADEME – Agence de la transition écologique : définitions officielles, Base Carbone®, méthodologie Bilan Carbone®
INSEE et Service des données et études statistiques (SDES) : données chiffrées nationales 2023-2024
Ministère de la Transition écologique : réglementation française, SNBC-3, obligations BEGES
Commission européenne : CSRD, Clean Industrial Deal, mécanisme CBAM
Association pour la transition Bas Carbone (ABC) : Bilan Carbone® version 9
